Jour 13: Rituels

Exemple des différentes couleurs d’une section de la carotte S12. Crédit: Pierre Sepulchre.

Du sédiment bien plus clair avec des alternances de couleurs différentes : La station 12 a tenu toutes ses promesses. Avec le prélèvement d’une carotte Calypso de 32 mètres de long, ces sédiments pourraient permettre de remonter dans le passé jusqu’à plus d’un million d’années. Ils pourraient aussi permettre à l’équipe de recherche de reconstruire l’histoire climatique passé du Sahara : Grâce à ces apports de poussières riches en nutriments, le désert a contribué à nourrir la forêt amazonienne au fil du temps.

CTD. Crédit: Anaïs Duhayon.

Pour la station 13, ralliée rapidement, en revanche, c’est la déception ! La carotte Casq remontée était pleine d’eau mélangée à de la boue. Restait seulement la partie la plus basse de l’échantillon avec la présence de foraminifères, des micros fossiles avec une coquille calcaire qui sont l’objet d’études dont nous reparlerons très prochainement. Pour en rajouter un peu, la journée s’est encore compliquée avec la mise à l’eau de la CTD : À cause du courant, les échantillons n’ont pu être prélevés. Pour certains, la nuit du solstice d’été s’est révélée la plus longue.

Charlotte Skonieczny sur le mât météo pour le prélèvement de poussières. Crédit: Anaïs Duhayon.

À côté de ces prélèvements ponctuels, deux analyses se font en continu sur cette campagne : L’analyse de l’eau dont nous avons déjà parlée, et celle des poussières sahariennes collectées depuis le mât météo situé à l’avant du navire. Pour recueillir ces dernières, Charlotte Skonieczny accomplit un rituel quotidien qui se déroule comme suit :

  • Préparation en laboratoire d’une boîte contenant gants et filtres de rechange,
  • Passage par la passerelle pour avertir qu’elle monte sur le mât. L’officier de quart consigne le fait qu’elle travaille en hauteur et suspend l’activité d’un radar tout proche pour éviter un trop plein de radiations,
  • Habillage avec les vêtements de sécurité, casque et harnais,
  • Vérification dans un petit local que les pompes qui aspirent l’air fonctionnent bien,
  • Une fois passée par différentes coursives et ponts, escalade sur une longue échelle dans un étroit goulot,
  • Arrivée 15 mètres plus haut sur une étroite plate-forme, où il faut s’attacher pour commencer l’opération.

Une fois là-haut, vent fort qui fait osciller le mât, vue vertigineuse sur l’océan et l’arrière du bateau.

Les “pièges” se trouvent là. Ils sont chacun équipés d’un filtre qui récupère les poussières minérales en suspension, transportées par les vents, certaines depuis l’Afrique. Charlotte les étudie pour évaluer leur quantité, leur composition et leur rôle dans la fertilisation de la forêt amazonienne. Ces pièges lui donnent des indications sur ce phénomène à l’actuel, pour les reconstructions du passé elle travaille sur les carottes de sédiment stratégiquement sélectionnées pour que l’on y retrouve ces poussières.

“Étudier les apports de poussières passés à partir de carottes marines n’est pas chose aisée“ explique Charlotte, “les poussières sahariennes se déposent globalement partout à la surface de l’Océan Atlantique tropical, moyennant les saisons, mais il faut trouver la localisation sous-marine où elles se seront déposées sans être diluées par d’autres apports minéraux massifs (apports des fleuves, particules transportées par les courants marins…). Ces contextes sédimentaires privilégiés sont rares ! “ Deux localisations stratégiques ont donc été choisies dans le cadre de la mission Amaryllis : S12 et S16, en toute fin de campagne. “L’avenir nous dira si nos choix ont payé ! “ conclut la chercheuse.

Pour en savoir plus sur les recherches de Charlotte Skonieczny sur les poussières sahariennes rendez-vous ici.

C’est un rite ancien que l’on fait remonter à Vasco de Gama : Lorsqu’un néophyte franchit la ligne de l’équateur sur un navire il doit être “baptisé“, ce qui le rend acceptable par Neptune, dieu des eaux vives et des sources. Du temps des grandes explorations, c’était l’occasion de marquer le passage dans le nouveau monde. Puis il fut question par cette cérémonie de conjurer les phénomènes météorologiques et les dangers de cette zone turbulente. Aujourd’hui la tradition a perduré. Le néophyte passe par un baptême orchestré par les “chevaliers” (ceux qui ont déjà passé la ligne). Mais le baptême des novices aura lieu en fin de mission pour ne pas perturber le déroulement des opérations. Il parait que nous ne perdons rien pour attendre.

Quoiqu’il en soit nous passons cette ligne imaginaire cette nuit. Nous serons alors dans l’hémisphère sud et en hiver austral.

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