Interview Enora Drouet, lieutenant commissaire

Enora Drouet, lieutenant commissaire. Crédit: Anaïs Duhayon.

Enora occupe le poste de lieutenant commissaire. C’est son troisième embarquement sur le Marion Dufresne qu’elle a rejoint en septembre 2022. Elle est diplômée de la Marine Marchande d’Anvers.

En quoi consiste ton quotidien à bord du Marion Dufresne ?

Je suis de quart de 4 à 8h le matin puis de 17 à 19h. À ces heures là je “conduis le camion” comme on dit (!). Le reste du temps est consacré à mes autres tâches : J’ai en charge l’équipe cuisine, le ravitaillement de la nourriture, l’hygiène sanitaire, le bar, la facturation, les locaux sous douane pour tout ce qui est détaxé, la formation du personnel non maritime à la sécurité à bord… On m’appelle aussi le « Lieutenant-papier“ car je dois vérifier que tous les documents soient bien remplis et à leur place, que tout le personnel ait bien les brevets nécessaires etc.  Bref, je cours partout mais sans courir puisque c’est interdit à bord !

Comment on organise le ravitaillement pour un navire comme celui-ci ?

Déjà il y a Roger, le chef cuisinier qui est là depuis longtemps, qui a l’habitude. Ensuite on dispose des historiques du Marion Dufresne en service depuis 1995 et enfin j’utilise un logiciel de gestion. Enfin, c’est un dialogue avec les fournisseurs à l’escale : Quels sont les produits dont ils disposent, est-ce que les cuisiniers pourront les cuisiner ou les accommoder etc…  

Tu es la seule femme de l’équipage : Comment vis-tu cette situation ?

Je suis dans le milieu maritime depuis longtemps, donc je savais à quoi m’attendre. Dès l’école, nous étions 2 filles sur une promotion de 50. Mais cela est en train d’évoluer, les effectifs féminins à bord sont en nette augmentation. Au niveau mondial sur les 5 dernières années ils ont doublé, passant de de 15000 à 30000 marins de commerce.

Bon, il faut dire que l’on vient de loin : “Une femme à bord, ça porte malheur” disait on pendant longtemps ! La marine est un milieu très ancré dans les traditions. Aujourd’hui les mentalités changent, tout le monde a été à l’école et navigué avec des femmes dans l’équipage. Personnellement je le vis très bien.

Qu’est ce qui te plait dans ton métier ?

C’est simple, je ne sais pas vivre à terre. Il fallait donc que je trouve un métier qui me permette d’être en mer ! C’est une profession qui demande un panel de compétences très variées. Dans mon cursus pourtant qualifié de “monovalent” j’ai eu des cours de mathématiques, sciences, thermodynamique, hydrodynamique, comptabilité droit, construction, peinture, médecine et j’en oublie. Il faut avoir plein de cordes à son arc.

En quoi les relations humaines sur un bateau sont-elles différentes ?

En mer les langues se délient, humainement c’est un endroit où les échanges sont plus riches. Des gens d’origines sociales, géographiques variées sont réunis dans un lieu fini, pour une durée déterminée. Ils sont obligés de se parler pour travailler ensemble. Et l’on finit par échanger beaucoup sur un bateau. Si je navigue c’est surtout pour cela !

Propos recueillis par Patrick Chompré

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