Hier, la station 14 a tenu ses promesses : Tout d’abord, une carotte Casq de 10.5 mètres avec des belles alternances de couleurs. Rien qu’à l’œil nu les paléoclimatologues repèrent déjà la succession des changements climatiques : Sur quelques mètres, du sédiment clair qui renvoie à la période chaude actuelle (les derniers 10 000 ans), puis une période plus sombre correspondant à une période plus froide, ensuite une autre couche plus claire de 50cm une phase de réchauffement assez courte, à nouveau une plus froide et ainsi de suite. Un vrai tableau.
“Ca on le sait parce qu’il existe une carotte allemande prélevée sur ce site il y a une dizaine d’années“ précise Aline Govin, “notre but était de remonter plus loin dans le temps et notamment de couvrir cette dernière période interglaciaire il y a 125000 ans avec un climat un peu plus chaud qu’actuellement“.
C’était donc le moment de mettre à l’eau le carottier Calypso mais il fallait bien calibrer sa longueur et là, l’équipe scientifique a eu un doute : Il fallait aller le plus profond possible sans prendre le risque de casser ou tordre le tube qui contient l’échantillon. Finalement, une carotte de 41,88 mètres a été récupérée. “En faisant le calcul avec le taux de sédimentation moyen, on a calculé que l’on pouvait remonter jusqu’à 155 000 ans“ poursuit Aline. “En ouvrant les sections de carottes ce matin, j’ai eu la joie constater que l’on avait bien des couches plus claires de sédiment, ce qui confirme nos calculs ! “ La campagne Amaryllis aura donc bien enregistré cette fameuse période interglaciaire, une première dans cette région nord-est brésilienne.
C’est une boite ronde remplie de petites coquilles blanches et ocres. “Ce sont à 90% des “forams“ précise Natalia Vasquez Ribeiros, chercheuse à l’Ifremer. Des forams… comprenez des foraminifères, ces organismes marins microscopiques dont le squelette tombe au fond de l’océan après une période de vie très courte. On les retrouve dans les sédiments marins. “Regarde, ils sont gros car nous sommes près des tropiques, la faune est riche est variée“ poursuit la chercheuse, les yeux rivés sur le microscope. Les foraminifères sont carnivores et gros mangeurs, ils se nourrissent de phytoplancton. Surtout, ils fabriquent leur coquille en fonction de leur environnement de vie et fournissent ainsi des indications précieuses aux chercheurs en paléoclimatologie sur la température de l’eau à l’époque où ils vivaient. Natalia se promet de les examiner plus en détail en laboratoire. Allez ici pour en savoir plus sur ses recherches.
Le navire porte aussi les traces de ceux qui y ont séjourné par le passé. Il arrive que l’on tombe ainsi sur un dessin d’Emmanuel Lepage, auteur de bande dessinée, dans la salle des machines ou sur la porte du forum. Emmanuel avait embarqué en 2010 pour faire la rotation dans les TAAF, les Terres Australes et Antarctiques Françaises. Il en avait tiré un récit de voyage et s’était donc pris à dessiner à même les cloisons du Marion Dufresne. En 2021, il est le premier auteur de bande dessinée à être nommé peintre officiel de la Marine !
Annonce inhabituelle sur le système général : Le commandant en personne nous prévient que tous ceux qui ont franchi la ligne de l’équateur sans autorisation préalable sont susceptibles de recevoir un courrier du postier n’importe où sur le navire et à tout moment. Perplexité dans l’attente de ce courrier, pas arrivé au moment où l’on écrit ces lignes.