Étage D, sous la salle de restauration, les cuisines. Tout un univers de réfrigérateurs, ustensiles et surfaces en aluminium. Ici, ils sont cinq, tous originaires de Madagascar, à concevoir et cuisiner les trois repas quotidiens pour 60 personnes : 1 chef cuisinier, 2 seconds, deux aides, auxquels il faut rajouter un barman et un garçon.
Les cuisiniers ne travaillent pas en quarts, ils sont de service de 7h à 13h, puis de 16h à 21H. Mais cela peut varier : Le préposé au petit-déjeuner par exemple commence à 4H30. Roger, le chef, est sur le Marion Dufresne depuis 1992. Il a eu le temps de s’habituer aux spécificités de la cuisine sur un navire : “je prépare mes menus une semaine à l’avance“ explique-t-il, “mais ils peuvent changer suivant les conditions : par exemple s’il y a du mauvais temps, je vais éviter les potages, même s’ils étaient au programme. “
Il faut aussi gérer les goûts des passagers. Roger me montre son tableau : “Sur cette campagne il y a 14 végétariens, une intolérance aux produits laitiers et une aux fruits de mer, il faut prévoir des menus spéciaux“.
La nourriture est principalement achetée lors des escales et stockée dans les grands réfrigérateurs réglés à des températures différentes : Le fromage par exemple, disponible à presque tous les repas, fait l’objet d’un stockage spécial à 4 degrés.
Jerry est en train de préparer les entrées pour ce soir. Il est aussi en charge du petit déjeuner et du bon déroulé de l’arrivée des plats : “pour que les assiettes arrivent toutes bien chaudes au même moment, il faut bien s’organiser“ détaille-t-il. “On sait que c’est important que les gens mangent bien à bord, on est là pour leur faire plaisir. Et puis attention, on a la réputation du Marion Dufresne à défendre, il faut être à la hauteur ! “
Au menu ce soir : Œuf Florentin, Poulet coco, plateau de fromage et fruit du dragon.
Nous voici arrivés à la station 16, la dernière, plus au sud, plus éloignée du fleuve Amazone et de la côte. Le fond océanique révèle une succession de monts sous-marins surélevés de 300 à 600 mètres. Intérêt scientifique de ce site : Il doit contenir peu d’apports du fleuve et potentiellement des poussières en provenance du Sahara. Les chefs de mission avaient sélectionné deux monts qui paraissaient plus consistants en termes de sédiment. Le premier a fait l’objet d’une longue reconnaissance avec les sondeurs. On repère d’ailleurs aisément, à leurs traits un peu tirés, les ingénieurs et scientifiques qui ont passé une bonne partie de la nuit à observer le relief sous-marin devant les écrans d’acquisition ! Le premier site aurait pu se révéler propice mais l’endroit repéré était juste en dehors de la zone autorisée par le gouvernement brésilien.
Pendant la nuit nous avons donc repris la navigation pour atteindre le deuxième mont. “Là nous avons trouvé deux endroits intéressants“ détaille Charlotte Skonieczny particulièrement intéressée par ce site. “On a commencé avec le carottier Casq et récupéré 8m65 de sédiment très blanc, contenant beaucoup de foraminifères, donc beaucoup de matériaux en provenance de la colonne d’eau. Très différent de tout ce que nous avons vu jusqu’à présent“.
L’opération se répète sur le deuxième endroit avec cette fois un Casq de 12 mètres et un sédiment un peu plus argileux. Il a fallu alors choisir car nous n’avons l’autorisation de lancer qu’une seule carotte Calypso, beaucoup plus longue. C’est la deuxième possibilité qui a finalement été choisie car le sédiment, plus cohésif semblait offrir de meilleures perspectives de travail. “On se disait juste que c’était l’endroit où nous avions le plus de chance“, précise la chercheuse, “ Et finalement nous récupérons beaucoup de matériel avec de belles alternances de couleurs, c’est très positif”. Et à la clé, peut-être la possibilité de remonter loin dans le passé, peut être même jusqu’à 1 million d’années.
En plus des foraminifères, des poussières sahariennes… certaines carottes de sédiment peuvent parfois aussi contenir des pollens qui peuvent également aider à reconstruire les changements de végétations passés. Pour en savoir plus, retrouver ici l’interview de Marie Haut-Labourdette, étudiante palynologue en première année de doctorat.
Début des festivités du passage de la ligne. Crédit: Anaïs Duhayon.
Pendant ce temps le facteur promis par le commandant a fini par livrer sa missive. Le néophyte tatoué est convoqué par le procureur des océans le 30 juin prochain. Il est question de lois ancestrales et aquatiques que nous aurions enfreint en franchissant la ligne de l’hémisphère sud. Monde étrange.