Jour 6: Dans les eaux brésiliennes

Cap vers les eaux brésiliennes. Crédit: Anaïs Duhayon.

Peu importe l’heure, quand on parle à quelqu’un sur un navire océanographique, on ne sait pas toujours s’il vient de se lever, s’il est sur le point de se coucher ou d’aller travailler. C’est encore plus vrai avec les personnes qui ne sont pas affectées à un quart (et donc mobilisables à tout moment). C’est le cas de Yvan Réault, le chef des opérations que je sollicite au saut du lit et qui m’accueille tout de même pour faire le point, une tasse de café à la main, dans sa cabine qui sert à la fois d’atelier, de bureau, de chambre, de laboratoire, juste à côté du pc scientifique. Extrait de la conversation :

Nous voici entrés dans les eaux brésiliennes en direction de notre point S9, qu’est-ce que ça change ?

Cela veut dire qu’ici nous avons besoin d’autorisation spéciale pour nos prélèvements. Nous n’avons donc pas la possibilité d’explorer d’autres lieux qui nous paraîtraient intéressants. Nous allons faire de la reconnaissance avec les sondeurs, voir si le site correspond toujours à ce qui était prévu au début de la mission et carotter à cet endroit précis. Nous sommes davantage contraints mais c’est déjà une grande chance pouvoir le faire.

Yvan Réault, chef des opérations & sa cabine-labo. Crédit: Anais Duhayon

Hier, nous avons fait beaucoup de carottages sur le point S9, quel est le bilan de ces opérations ?

Oui nous avons commencé par le prélèvement le plus précis et le plus doux, long de 60 cm, à l’interface entre l’eau et le sédiment à 2450 mètres de profondeur. C’est le carottier Multicore dont j’ai développé une version particulière avec laquelle on peut communiquer avec des sons et que j’ai équipé d’une caméra. Je l’ai appelé “Fantacore“, en hommage à Franquin, l’auteur de bande dessinée belge dont je suis fan. Bref, dans les bouteilles que nous avons remontées on voyait le sédiment par transparence, quasiment un aquarium comme dans les restaurants chinois !

Ensuite nous avons poursuivi avec deux carottiers plus importants, comment ça s’est passé ?

Avec le Casq, le carottier de grande largeur nous avons fait un prélèvement de 9 mètres de long. Une carotte très attendue par les chercheurs, car on peut la diviser et contenter ainsi plusieurs laboratoires qui veulent travailler dessus. Sinon, la bataille fait rage parfois pour bénéficier de tel ou tel échantillon !

Remontée à bord des carottiers Casq (gauche, crédit: Pierre Sepulchre) et Calypso (droite, crédit: Alessandro Morichetta).

Enfin, nous avons mis à l’eau le carottier Calypso, sans équivalent dans le monde. Malheureusement nous l’avons ramené tordu comme cela arrive parfois : Quand nous faisons notre repérage avec le sondeur de sédiment, on voit sur les écrans ce qui ressemble à un code barre horizontal avec des niveaux de noir et de gris. Ces indications nous permettent de savoir si ce terrain est pénétrable ou pas. On a cru qu’il l’était… eh bien il ne l’était pas ! On ne peut pas toujours anticiper le fait qu’il y ait un peu de sable ou d’autre matière qui freine le tube.

La bonne nouvelle c’est que l’on a quand même récupéré 40 mètres d’échantillon qui n’ont pas été affectés.

Au final beaucoup de matière donc sur cette journée !

La conversation est interrompue par un appel radio, Yvan est appelé sur le pont pour inspecter les prochaines carottes Calypso.

Nous filons à 14 nœuds vers le point S9 l’un des plus près de l’embouchure de l’Amazone. 

Sur le pont le ballet des équipes de quarts se poursuit avec toute la chaîne des opérations nécessaires au traitement des carottes. Après toutes celles que nous avons détaillées hier il en reste deux qui se déroulent en laboratoire : La thermoluminescence et la banc MCSL. Un acronyme mystérieux qui ne le sera plus quand vous aurez lu l’interview de Fabien Dewilde, ingénieur, à retrouver ici.

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